Interview #1: être surdoué(e)
- Nina
- 13 janv. 2020
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 janv. 2021
Aujourd’hui je vais vous présenter un nouveau concept. J’ai envie de partager le ressenti des personnes sur certains sujets comme la transidentité, les maladies, des modes de vie alternatifs… Pour ce premier article de cette série, j’ai pu interviewer une personne qui a voulu rester anonyme et qui va nous parler de la vie qu’elle mène en tant que « zèbre »/ « surdouée ».
Les personnes considérées comme « zèbres » ont un Quotient Intellectuel (QI) supérieur à 130, ce qui est considéré comme une forme d’intelligence supérieure à la moyenne (le QI moyen en France est de 98) et seuls 2% sont identifiés comme tels en France. Il existe beaucoup de stéréotypes sur les « zèbres », « surdoués » ou encore les personnes à « haut potentiel » et aujourd’hui j’aimerai vous partager le ressenti d’une de ces personnes pour que vous puissiez mieux les comprendre, car ce n’est pas parce qu’on est un « zèbre », que tout va lui réussir.
Attention, son ressenti lui appartient et il n’est pas le même que toutes les personnes « zèbres ».
Bonne lecture.

Qui es-tu ?
« J’ai 18 ans et je suis en prépa khâgne BL au lycée Janson de Sailly à Paris. Mes passions sont la danse classique et contemporaine que je pratique depuis l’âge de 9 ans, le piano, le chant, la lecture et les petites binouzes entre potes. »
Quelle est ta définition de l’intelligence ?
« Pour moi, l’intelligence c’est de savoir s’adapter. Les neurologues vous diront : « L’intelligence, c’est l’ensemble des facultés qui permettent d’apprendre, connaître les choses rationnelles blablabla… »
Déjà, il y a une grande variété de types d’intelligence : celui qui sait faire preuve de raison mais aussi celui qui parvient à comprendre autrui, faire preuve d’empathie. L’intelligence peut être logique, émotionnelle, verbale, musicale et même physique.
Il y a donc pour moi un critère qui ne trahit pas et auquel il faut se rattacher pour déconsidérer tous les mythes autour de l’intelligence, la surdouance ou le QI et c’est celui de la capacité d’adaptation. Savoir d’adapter à toutes situations (faisant appel ou non à un panel de connaissances), faire preuve d’empathie ou non et de sérieux quand il le faut mais aussi de raison ou de discernement, c’est finalement la clé de l’intelligence. Bon après, je ne détiens aucune vérité, libre à vous de penser ce que vous voulez. »
Quels sont les stéréotypes liés aux « surdoués » ?
« On dit souvent d’eux qu’ils sont compliqués, trop émotifs, trop susceptibles, dans la surinterprétation permanente des choses, trop dans leur monde… On peut les trouver introvertis et par conséquent, soit simplement froids et distants soit carrément prétentieux. J’ai peut-être moi-même une vision stéréotypée de la chose mais je la comprends comme telle. »

Comment t’es-tu rendue compte de ta différence pour te permettre de passer le test ?
« J’étais en CE1 et rien n’allait : crises d’angoisse et insomnies à l’idée de me rendre à l’école. J’avais peu d’amis, je m’ennuyais en classe et avec les autres enfants de mon âge. J’avais un sentiment d’inadaptation au monde et des pensées dépressives. Eh oui, tout ça à 8 ans !
Mes seuls plaisirs étaient de plonger dans mes partitions de piano et de me défouler aux entraînements de gymnastique.
Mes parents inquiets ont donc pris rendez-vous chez une psychologue qui m’a fait pendant deux heures un test de QI. On a donc découvert qu’à 8 ans j’avais les capacités cognitives d’un enfant de 12 ans. Cela a donc induit à un saut de classe à défaut d’une réorientation dans un établissement spécialisé. »
Comment as-tu vécu l’expérience scolaire ?
« Avant le saut de classe, l’école n’était que angoisse et ennui mais après c’est devenu épanouissant, intellectuellement et socialement. Toutefois, le saut de classe n’a pas tout réglé. Consciente de ma précocité, je tentais de me fondre dans la masse, surtout au collège, école de la quête de conformisme. Certains professeurs m’ont trouvé arrogante : « Votre fille ne veut pas faire partager aux autres élèves ses facilités, elle manque d’esprit d’entraide ».
Armée d’une carapace sociale, j’accordais peu ma confiance et étais très souvent sur la défensive, sûrement par peur de dévoiler ma fragilité/impulsivité émotionnelle et je tentais donc de faire un peu comme les autres. L’idée d’être étiquetée comme « l’intello susceptible » était difficilement envisageable. Bon, ça n’a pas vraiment marché mais j’ai appris à vivre avec ça et au lycée, école de la quête d’individualisme cette fois ci, j’en ai fait ma force. J’ai créé des amitiés solides et saines et je suis devenue une zèbre qui s’assume sans jamais vraiment l’avouer. »
D’un point de vue émotionnel, comment te définis-tu ?
« Instable. Parfois (j’ai appris plus tard que c’était commun à beaucoup de zèbres, je ressens des émotions avec tellement d’intensité que j’ai l’incapacité totale de les extérioriser et des les rendre compréhensibles pour autrui et parfois je ne ressens rien à des situations qui susciteraient un minimum de pathos, peut-être par excès de lucidité. Amicalement, ça se manifeste par un besoin de temps pour accorder ma confiance et une nécessité d’être rassurée quant à la sincérité des liens amicaux tissés et dans une relation amoureuse par une réticence exagérée et une intensité dans les sentiments que moi-même je perçois parfois mal. »
Pour toi, quels sont les points positifs et négatifs à être zèbre ?
« Les points positifs sont la capacité d’avoir une grande empathie pour les autres, une capacité d’adaptation élevée, être assez authentique finalement. Les points négatifs sont le fait d’avoir des réactions excessives et difficilement compréhensibles, toujours réfléchir à quelque chose, le fait de tout surinterpréter, être réservé, le fait de s’ennuyer rapidement et le manque de confiance en soi. »

Penses-tu que ton QI à un impact sur ton bonheur ?
« Le QI en lui-même n’est qu’un chiffre, il ne change pas grand-chose à ma vie et je cherche d’ailleurs à ne pas m’identifier à celui-ci. Par ailleurs, le fait de savoir que j’ai un QI supérieur à la moyenne me permet de mieux écouter et comprendre mes réactions pour mieux les maîtriser, ce qui me permet en quelque sorte d’ouvrir la voie de mon bonheur personnel. »
As-tu des conseils pour les personnes neurotypiques qui ont des relations avec des personnes zèbres ?
« Être patient parce que l’on peut parfois être excessif mais c’est notre manière de faire le point sur nous-même et sur ce que nous ressentons ; être compréhensible et rassurant ; ne pas lui mettre la pression.
Merci à elle de m’avoir consacré son temps et j’espère que son témoignage vous a permis de déconstruire vos préjugés sur les personnes zèbres. Je vous conseille le blog https://www.rayuresetratures.fr/ pour plus d’informations sur les zèbres.
Si vous voulez partager votre ressenti sur un sujet quelconque pour permettre la déconstruction de préjugés sociétaux, n’hésitez pas à m’envoyer un message sur Instagram (nina.verheyde).
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